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Le vide de la pensée chinoise et son lien avec le Qi-Gong

Juin 2024


Nous connaissons tous cette phrase d’Aristote : « la nature à horreur du vide ». Celui-ci avait l’assurance que le vide n’existait pas, et que l’univers était partout rempli de quelque chose. Nous sommes une société qui n’aime pas la notion de vide, on voudrait toujours le remplir. Un silence dans une conversation ne dure guère longtemps entre deux personnes ou bien lors d’un repas partagé. Les écrans, la musique, les informations de tous ordres, les images remplissent notre sphère personnelle et collective. Et d’une manière encore plus fine et intime, nous pouvons nous demander quel espace nous laissons entre deux pensées ?
Le vide se remplit malgré nous, c’est son usage nous rappelle Lao-Tseu.

L’image de l’artiste calligraphe me vient. Tout démarre d’une page blanche, d’un temps de silence, d’un espace avant l’acte, de cet espace née, l’intention de la trace. Puis l’acte de la trace calligraphiée se dessine. Toute action va naître de ce lieu du vide où tout est possible et du lieu du non agir. Cela se nomme, Wu-Wei, la fameuse action dans l’inaction. C’est-à-dire une action qui respecte les limites personnelles, qui se fait sans tension et sans volonté.
Laisser faire en ayant conscience de tout ce qui se passe, ne pas vouloir tout contrôler. On pourrait le nommer lâcher prise, mais je n’aime pas trop ce mot, car il me donne la notion d’une forme de déresponsabilisation. La vie c’est tout prendre, et dire oui, oui je peux agir, mais pas n’importe comment.
L’intention est plutôt de se laisser agir…

La pensée chinoise, nous parle très souvent de faire retour à notre état originel. Celui d’avant même notre conception. Ce retour à l’origine passerait par l’appréhension du vide, pas le vide dans lequel on tombe comme dans un précipice, mais celui qui serait avant la nomination. Comme le bébé, qui n’a pas de mots, sans aucune référence, sans aucun savoir intellectuel, juste un vécu neuf ou tout les sens sont ouverts.

« Si nous retournons à la racine originelle, nous touchons l’essence.
Si nous suivons les reflets, nous perdons l’originel » Shin Jin Mei ( le recueil de la foi en l’esprit)

« Celui qui sent ne parle pas, celui qui parle ne sens pas »
ou « Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas ». Lao Tseu

L’intellect est bien sûr très important pour gérer notre quotidien, mais là, nous parlons d’un savoir, qui n’est plus du tout de l’ordre du mental. On parle de Shen, L’esprit. L’on en parle comme quelque chose d’innommable. L’abandon du langage et de la pensée, nous mène dans des lieux inconnus de nous-même. Lorsque l’on est capable de contacter ces lieux, par la pratique, méditation, observation, contemplation, apaisement. Il se produit en nous comme une réactualisation de tous nos processus de vie. Je dirais peut-être même de toutes nos cellules. Shen, c’est la conscience, l’attention. Il s’exprime au travers du regard, un regard éclairé. Il loge au cœur, et circule dans le sang. Ce n’est pas juste quelque chose d’immatériel, cela s’incarne jusque dans notre corps matière. 

D’où, l’importance de développer une conscience organique, par la pratique du Qi-Gong.

J’aimerais développer la notion du savoir, de la connaissance :

Est-ce que vous seriez capable d’expliquer, comment vous avez appris à vivre ?
Une des premières fonctions qui s’impose dès la naissance, c’est la respiration, on ne nous apprend pas à respirer. C’est inné ! On pourrait dire la même chose pour ce qui est de se nourrir. Vous souvenez-vous de vos premières sensations de nourissement, de l’explosion de saveur dans la bouche ?
Vous souvenez-vous comment vous vous êtes redressé et que votre verticalité s’est mise en place ? Le fameux lien, Ciel / Terre qui nous situe et qui place notre axe de vie.
Au-delà de ce qui est innée. Comment apprend-on à vivre ?
La plupart du temps par mimétisme. Comment se structure notre pensée ? La plupart du temps nous ne faisons que répéter ce que l’on nous a dit, ce que l’on a entendu. Tout savoir est venu d’un extérieur pour se l’approprier et le faire sien.
Lorsqu’il y a appropriation d’un vécu personnel, d’une histoire de vie, on peut dire que nous savons. Parce que nous l’avons vécu, nous pouvons dire, « je sais ». C’est bien toute l’expérience de notre vécu personnel qui nous sert de support, pour poser des actes dans notre vie quotidienne.

L’on voit bien, que nous ne sommes pas tous fait pareil et que nous n’avons pas tous la même histoire, structure. On se construit une réalité, une manière de voir les choses, plus ou moins fiable, selon le vécu. Cette construction est indéniablement nécessaire, parfois elle nous sert, parfois, elle nous dessert. Il y a parfois une identification à la pensée. Le plus difficile est de se défaire de nos habitudes. Habitudes de penser, de fonctionnements, de routine, de situations redondantes auxquelles nous ne prêtons même plus attention. Il y a également les habitudes, de positionnement, d’attitudes corporelles qui induisent quelques choses de notre état psychique. Et comme tout change tout le temps, on ne peut finalement pas s’appuyer sur grand-chose, si ce n’est, cette toile de fond du vide, d’un espace… qui est toujours là immuablement.

La pratique du Qi-Gong, nous permet de nous entraîner à faire retour, à cet espace avant la trace, avant la pensée conceptuelle. Cet espace originel, cette source est à portée de mains en permanence. On ne peut le contacter qu’en état de réceptivité. C’est se laisser agir et traverser par ce qui nous dépasse. C’est une forme d’ouverture qui pourrait être comme la sensation d’une présence qui englobe tout. C’est s’accorder au mystère et à l’extraordinaire.

 La pratique fait du bon en soi, on s’assied, on respire, on ouvre le regard. Cela ouvre des espaces pour qu’un travail se fasse. Si l’on ne se donne pas cet espace, personne ne nous le donnera et nous passerons à côté de ce qui œuvre à l’intérieur de nous.

Toute la création attend de nous que nous jouions notre rôle. Le nuage fait son nuage, la montagne fait sa montagne, le poisson fait son poisson.
Est-ce que le poisson sait qu’il est dans l’eau ? Cette image est utilisé pour parler du Qi. L’être humain baigne dans l’océan de Qi. Le Qi, tout comme le vide, n’est pas quantifiable ni mesurable, mais il est palpable.